Prescription et couple : ce qu’il faut savoir
avril 14, 2025 2:51 pmPrescription et couple : ce qu’il faut savoir
Une célèbre maxime de Bonaparte :
« Les concubins se passent de la Loi, la Loi se désintéresse d’eux. »
Cette citation illustre parfaitement la différence de traitement juridique entre les couples mariés, pacsés et les concubins. En matière de délai de prescription, cette distinction est particulièrement marquée.
Pas de suspension de prescription pour les concubins
Dans une décision rendue le 10 juillet 2024 (QPC n°24-10.157), la Cour de cassation a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une question préjudicielle de constitutionnalité portant sur l’article 2236 du Code civil. Cet article prévoit que le délai de prescription est suspendu entre époux et partenaires de PACS, mais pas entre concubins.
Voici l’argumentaire de la Cour :
« 9. D’abord, la disposition en cause, en ce qu’elle prévoit que la prescription ne court pas ou est suspendue entre époux, ainsi qu’entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité (PACS), sans étendre ce régime de prescription aux concubins, ne méconnaît pas le principe d’égalité devant la loi, dès lors que la différence de traitement qui en résulte, fondée sur une différence de situation, est en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. »
Autrement dit, seule l’union légalement encadrée (mariage ou PACS) permet de bénéficier d’une suspension du délai de prescription. Le fondement de cette règle repose sur la volonté de préserver la paix au sein du couple, en évitant que les conjoints aient à s’assigner en justice pour interrompre le délai de prescription d’une créance pendant leur vie commune.
Pourquoi les concubins ne sont pas protégés ?
Les concubins, à la différence des couples mariés ou pacsés, ne bénéficient d’aucun statut juridique spécifique. Leur relation est considérée comme une union de fait, librement contractée et librement rompue.
Cette absence de cadre légal implique que les concubins ne bénéficient pas de la suspension des délais de prescription prévue par l’article 2236 du Code civil. Ils doivent donc faire preuve d’une grande vigilance, notamment en matière de dépenses engagées pendant la vie commune.
La prescription quinquennale (5 ans) commence à courir à partir de chaque dépense, y compris pour des postes importants comme les échéances d’un crédit immobilier commun. La jurisprudence assimile souvent ces paiements à des dépenses courantes, rendant très difficile toute tentative de recours en remboursement.
Existe-t-il des solutions juridiques pour les concubins ?
Bien que le cadre soit restrictif, certains outils peuvent être envisagés :
- La société créée de fait ;
- L’application de l’article 555 du Code civil (concernant les constructions sur le terrain d’autrui) ;
- L’établissement de conventions entre concubins.
Cependant, la reconnaissance de créances entre concubins reste entourée de nombreuses incertitudes juridiques. Chaque situation doit être analysée au cas par cas.
La suspension de la prescription pour les époux et les partenaires
Pour les partenaires pacsés, la suspension de la prescription prend fin au moment de la dissolution du PACS. L’article 515-7 alinéa 7 du Code civil précise que cette dissolution prend effet à la date de son enregistrement, soit par l’officier d’état civil, soit par le notaire instrumentaire.
Pour les époux, la prescription est suspendue jusqu’à ce que le divorce soit définitif. Il est donc essentiel d’anticiper cette échéance, notamment en parallèle des discussions portant sur la liquidation du régime matrimonial parallèlement au divorce.